La chute de la demande frappe de plein fouet le secteur du diamant

LE MONDE - 30.03.09

Ambiance des grands soirs, le 22 avril, à New York, au Rockefeller Plaza. Christie's sacrifiera au rite des grandes ventes de printemps de bijoux. En vedette, une pierre de 30,02 carats, de qualité D Flawless, estimée à 2,5 millions de dollars (1,88 million d'euros). En 2008, un diamant identique de 22 carats avait été adjugé 3 millions de dollars. "Les amateurs de belles choses ne manquent pas. Mais les vendeurs sont frileux, car ils se demandent dans quelle monnaie et comment placer leurs fonds", souligne François Curiel, président de Christie's Europe, qui dirigera ces enchères.

Si Christie's reconnaît pudiquement un certain tassement des prix, les diamantaires dépriment. La crise du crédit frappe de plein fouet un secteur immortalisé par l'ode de Marilyn Monroe Diamonds Are a Girl's Best Friend, dans le film Les hommes préfèrent les blondes. S'il n'existe pas de cours du diamant - il n'y a pas deux pierres semblables -, une série d'indicateurs font état d'une baisse de 50 % des prix négociés depuis l'été 2008. Le commerce des joyaux de carbone pur s'est effondré durant les deux premiers mois de l'année à Anvers, la plaque tournante du négoce. La dette des firmes diamantaires s'est envolée, alors que les banques spécialisées dans le financement de ce secteur ont fermé le robinet du crédit.

Les mastodontes miniers chancellent. Numéro un mondial du diamant, De Beers, qui contrôle 40 % de la production de brut planétaire, a réduit à la portion congrue ses livraisons à ses clients privilégiés, chargés d'écouler les brillants dans les centres de taille. Pour faire face à la mauvaise passe, le conglomérat sud-africain a dû emprunter 500 millions de dollars auprès de ses actionnaires. Ses deux principales filiales, Nambeb (Namibie) et Debswana (Botswana), ont pris des mesures de chômage technique et la production des mines sud-africaine a été fortement réduite.

Les ventes de brut des groupes miniers anglo-australiens BHP Billiton et Rio Tinto ont dégringolé en raison, notamment, de la mévente des petites marchandises. Le russe Alrosa a cessé toutes ses exportations. Le gouvernement de l'Angola, cinquième producteur mondial, envisage des garanties financières pour maintenir la production.

L'anémie de la demande de diamants est à l'origine de cette crise. En 2009, les analystes prédisent une chute de 60 % des achats de gemmes. Face à la récession aux Etats-Unis, le plus gros marché des ventes de détail, les grandes chaînes de bijouterie-joaillerie (JC Penney, Harry Winston et Signet) rechignent à acheter des pierres polies. Alors que leurs bénéfices plongent, les stocks sont à un niveau record. Les difficultés de la Chine et de l'Inde ont eu raison de l'engouement des nouveaux riches pour les gemmes. Et les marchés européens sont anémiques.

Dans cet environnement dévasté, seul le Proche-Orient résiste, comme en témoigne la progression des ventes de bijoux contenant des pierres d'une haute qualité achetées par des grosses fortunes du Golfe. Plus que jamais, la prime est à la qualité. Seule une poignée de gros spéculateurs entend profiter de la conjoncture en achetant au plus bas des pierres qui sont stockées dans des coffres en prévision de jours meilleurs.

L'objectif des producteurs est de maintenir les prix en diminuant l'offre. Mais depuis le démantèlement de son quasi-monopole par les autorités américaines et européennes, De Beers n'est plus capable d'enrayer la baisse des prix en stockant des pierres. Par ailleurs, inquiets de la montée du chômage, les gouvernements veulent empêcher les compagnies de ralentir leur activité extractive. C'est le cas du cône sud de l'Afrique où l'industrie diamantaire joue un rôle de premier plan dans l'économie. Enfin, la profession redoute l'afflux sur le marché de diamants mis en vente par des particuliers pris à la gorge par la crise économique mondiale.

Marc Roche

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