Les joailliers dans la tourmente

LE TEMPS - 27.03.09

La branche est encore plus opaque que l'horlogerie. Mais les rares chiffres publiés sont en chute libre

On l'oublie souvent, mais Basel­world est autant le salon mondial des horlogers que celui des bijoutiers et joailliers. Il est désormais connu que la crise a largement prétérité les premiers. Mais le tumulte que vit l'univers du bijou fait beaucoup moins parler de lui.

Chez De Grisogono, célèbre horloger-joaillier genevois, le directeur de la production joaillerie Patrick Affolter ne cache pas que les commandes sont en forte baisse pour les pièces situées entre 7000 et 15 000 francs, qui constituent en quelque sorte l'entrée de gamme de la société, celle où l'on fait les volumes. La baisse dépasse 40% en Europe. Les Etats-Unis sont quasiment au point mort. «Et nous avons peu de marge de manœuvre sur les prix. En les baissant, nous attenterions à la qualité des produits», poursuit-il. Seule satisfaction, les ventes des bijoux les plus chers – ceux qui coûtent plusieurs centaines de milliers de francs en boutique – «se maintiennent».

Chez Boucheron, qui se focalise sur le plus haut de la gamme uniquement, on corrobore la résilience du très haut de gamme. «Et nous n'observons pas de divergences entre nos ventes de montres et de bijoux», assure la responsable de presse, qui ne veut donner aucun chiffre. Pas même une tendance.

Les résultats publiés en début de semaine par Tiffany incitent pourtant à s'interroger sur ce relatif optimisme. Le joaillier américain a annoncé des ventes en recul de 20% au dernier trimestre de son exercice, clos fin mars. Quant au bénéfice, il a été divisé par trois. Coté en bourse, Tiffany est contraint de lever le voile sur ses chiffres. Ses attentes pour 2009? Une baisse des ventes de 11%. Les analystes sont généralement unanimes à penser que les produits les plus chers vont souffrir autant que ceux d'entrée de gamme.

Reste que si les affaires sont en recul, elles ne sont pas en voie d'extinction pour autant. Dans les halles des bijoutiers à Bâle, les rendez-vous avec les acheteurs se succédaient jeudi. Personne n'avait le temps de disserter sur l'avenir de la branche. «Vous en saurez plus dans quelques jours», répond-on un peu partout. Cela montre en tout cas l'importance de la foire bâloise pour un secteur beaucoup moins palpable que l'horlogerie, car réparti sur l'ensemble du globe, avec des acteurs de toutes tailles et de toutes structures.

«Il faut en outre noter que la bijouterie est un secteur très diversifié», note Anna Pietrzak-Bidard, responsable commerciale pour la Monnaie de Paris. Dans sa société, qui fait des pièces d'or et qui est estampillée «joaillerie de France» (une dénomination garantissant que la fonte et le sertissage ont bien été faits dans l'Hexagone, en respectant des codes éthiques), les commandes sont en hausse depuis le début de l'année. Idem chez Bachet, une jeune marque française qui propose des bijoux allant en moyenne de 2000 à 8000 euros.

Philippe Gumy

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