Petite joaillerie, grand débat

LES ECHOS 13.05.11

Traditionnellement, on distingue la bijouterie de la joaillerie et de la haute joaillerie. Le premier terme désigne des bijoux tout en or ou argent, le second, ceux sertis de pierres et enfin, le troisième, ceux extrêmement travaillés, sertis de pierres à plus de 50 000 euros. Les puristes considèrent donc la petite joaillerie comme l'entrée de gamme de la joaillerie, c'est-à-dire les bracelets, bagues et colliers à moins de 2 000 euros. Elle est surtout synonyme d'un style joyeux, ludique et facile à porter. Et par extension, elle peut être attribuée à des pièces sans pierres, comme celles de dinh van ou d'Hermès. Les frontières se brouillent...

La petite joaillerie est très souvent associée à des marques récentes, comme Redline, Van Rycke ou Stone, spécialistes des bijoux mini, voire micro. Des bijoux d'une extrême finesse avec des motifs sertis de pierres grosses comme une tête d'épingle. Certains montés sur un bracelet en fil de pêche ou de coton semblent avoir été conçus pour un bébé. Ce style kawaï (mignon en japonais) a fait des émules : chez De Beers, les pendentifs en diamants de moins d'un centimètre sont aussi faciles à porter qu'accessibles.

En petite joaillerie, la mode influence les bijoux. Par exemple, quand les aplats de couleurs denses et uniformes défilent, la petite joaillerie délaisse les reflets et la transparence des améthystes, des citrines et autres aigue-marine. Elle se concentre sur des matériaux opaques : des gemmes comme la turquoise, l'agate, l'onyx, mais aussi l'émail qui sert à coloriser des signes du zodiaque chez Solange Azagury-Partridge ou une croix chez Arthus Bertrand. Matériau très prisé : la céramique d'une couleur profonde et intense lancée en 2000 par Chanel. De quoi plaire au plasticien Anish Kapoor qui l'a déclinée sur la bague Bzero1 de Bvlgari.

Pas question de se prendre au sérieux : la pe-tite joaillerie aime les charms tintinnabulants, les capuchons qui s'ouvrent... L'un des premiers bijoux emblématiques -la bague Possession de Piaget -est caractérisée par un anneau qui tourne autour d'un autre. Fredy's, personnages burlesques en or et en laque de Fred, grelots au son cristallin de Qeelin ou bien petites bagues que l'on empile les unes sur les autres au gré de son humeur : la petite joaillerie a le chic pour provoquer des coups de coeur, faire pétiller les yeux.

Ce qui ne l'empêche pas d'être préoccupée par un gros problème : la flambée du prix de l'or. Il faut donc minimiser le poids du métal en le perçant et en le perforant. La bague Chanel ressemble à de la dentelle d'or. Autre solution : utiliser de l'or 9 carats, un alliage avec une moindre proportion de métal précieux, comme Sophie Pendleton de la marque Perlota. Les trois créatrices hype, Aurélie Bidermann, Delfina Delettrez et Aude Lechère chez Baccarat, s'enthousiasment, elles, pour le vermeil, une association de métaux précieux, soit de l'argent recouvert d'une pellicule d'or.

Là, les puristes s'interrogent : si le cristal est noble, il n'est pas précieux comme un diamant ou une améthyste. Mais la céramique utilisée par Chanel et Bvlgari non plus... La question s'avère encore plus délicate avec Amore de Dodo : sur la monture en or rose, la marque, qui revendique depuis toujours ce créneau de petite joaillerie, a serti une pierre rouge, synthétique. Le mélange de vrai et de faux semble franchir les limites du concept. Voilà de quoi encore alimenter le débat sur la définition du terme petite joaillerie. Hermès n'a-t-il pas lancé, s'agissant de ses dernières créations joaillières, le terme de haute bijouterie ? Finalement, le vocabulaire est-il important quand on parle de belles choses ?

Sandrine Merle

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