Cabinet de curiosités

Vanités, araignées, crapauds… Nos bijoux se parent de leurs plus effroyables atours pour nous incarner dans toute notre fragilité et rendre, paradoxalement hommage à la vie. Notre funeste sélection.

Il y a quelques semaines seulement, le Musée des Arts Décoratifs de Paris accueillait, dans sa collection permanente, deux créations de la jeune joaillière Delfina Delletrez. Une reconnaissance prestigieuse, certes, mais surtout une occasion de dévoiler des joyaux baroques et décalés, hommages à la mort et à un bestiaire fantasmagorique.

Une audace dans un univers où le rêve et le raffinement tendent à célébrer la vie et ses heureux événements ? Pas vraiment, car la joaillerie et la mort vont depuis toujours de paire, nous rappelant, à chaque (mal)heureuse occasion, que nous ne sommes qu'éphémères.

Memento Mori
Un crâne ornemental posé sur une table, une trace apparemment anodine de notre fragilité dans une scène du quotidien… L'école hollandaise du XVIIème siècle avait fait de la mort tout un art : celui des vanités. Leur objectif : nous rappeler notre impermanence et nous encourager par la même occasion à savourer la moelle substantielle de la vie tant que nous en avons encore l'occasion.

Aujourd'hui, la mort, thème éternelle, hante toujours l'esprit des créateurs et se décline sur nos bijoux pour incarner, les plus précieuses des vanités. Design chez
Lorenz Bäumer, presque rococo chez Victoire de Castellane qui parent, pour Dior Joaillerie, ses trépassés royaux de collerettes démesurées, grinçante chez Lydia Courteille qui pense un ronde macabre endiablée, la mort nous pare de son spectre sublime.

Surmonter nos peurs et célébrer la vie
Pourtant, loin de nous accabler d'une certaine résignation, le cabinet de curiosités joaillier devient porteur d'espoir, comme nous l'a d'ailleurs enseigné l'Histoire. Dans l'Egypte Ancienne déjà, le bijou accompagnait le défunt dans sa dernière demeure, se faisait émissaire d'un message à l'au-delà : le vert symbolisait de fertilité, le rouge incarnait le sang. L'accessoire prolongeait la vie… éternellement.

Et si aujourd'hui nos joyaux prennent rarement part à nos rites funéraires, ils viennent, de notre vivant, exorciser nos démons et nos peurs primitives. L'or noir et l'améthyste donnent un nouvel éclat à une palette endeuillée et les mauvaises augures se dévoilent sous un nouveau jour.

Les squelettes jouent la carte de l'humour ou de la démesure chez Delfina Delettrez, tandis que les rôdeurs de nos nuits, araignées ou chauve-souris, se parent, chez Boucheron et Chaumet, de pierres de couleurs pour devenir des outils de séduction et de célébration de l'amour.

La mort et la peur s'affichent de manière ostensible et viennent exacerber notre force de caractère. « Je ne crains rien, ni personne… », semblent revendiquer nos parures tout en célébrant par des pierreries éternelles, les plus doux moments de vie. Finalement, la mort nous va si bien.

Véronique Deiller
 
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