LUXE - La carte de l'éthique

 
Les principes du développement durable, voire du commerce équitable, sont de plus en plus appliqués par les grandes marques.

«Qui a encore envie de dépenser des milliers de francs pour le produit d'une marque sale?» Cette question a été posée dans un rapport du WWF, intitulé Deeper Luxury. Il se base sur plusieurs enquêtes parmi les consommateurs de produits de luxe et montre combien leurs valeurs ont évolué en ce début de XXIe siècle. «S'afficher avec un objet d'une grande marque, que ce soit un sac, une montre ou un bijou, symbolise toujours le succès et la réussite. Mais cette réussite ne peut plus provenir de l'exploitation de la nature ou des hommes. Elle doit intégrer les valeurs du développement durable, sur le plan social et environnemental.» Cette évolution a non seulement lieu en Occident, mais également dans les pays asiatiques, où les jeunes générations sont nettement plus soucieuses d'éthique que leurs aînés.

L'opposition classique entre des consommateurs de luxe, égoïstes et hédonistes, peu soucieux des autres et de l'environnement, appartient donc au passé. «Mes clients sont de plus en plus informés, notamment grâce à des films comme Blood Diamond, observe Veerle van Wauwe, fondatrice de Transparence SA à Genève, une bijouterie spécialisée dans les produits éthiques. Ils posent de nombreuses questions et veulent savoir d'où vient le diamant qu'ils vont offrir à leur femme.» Charles Chaussepied, directeur conseil de Piaget, ajoute: «Le luxe symbolise la rareté, l'excellence et le savoir-faire. On ne peut pas parler d'excellence en faisant n'importe quoi par derrière. C'est une question de logique et de relation de confiance avec nos clients.»

Ces dernières années, les grands groupes de luxe ont beaucoup investi afin de produire plus éthiquement. C'est le cas notamment de LVMH, qui fait figure de pionnier dans le domaine de l'environnement. «Nous avons saisi le problème à plusieurs niveaux, explique Sylvie Benard, directrice de l'environnement chez LVMH. Nous avons passé au crible tous nos procédés de fabrication, la traçabilité de nos matières premières, réglé les problèmes de logistique et de transport. Nous avons également beaucoup investi dans la formation de nos employés. Tout cela est indispensable car cela crée un lien de confiance avec nos clients, qui peuvent être fiers de porter nos marques.»

Du côté de Piaget (groupe Richemont), on s'est également lancé à la traque des émissions de CO2, du gaspillage de l'eau et de l'excès de déplacements des employés. «Nous sommes maintenant quasiment neutres en CO2», annonce fièrement Charles Chaussepied. Mais la plus importante bataille de l'entreprise reste celle de la traçabilité des pierres précieuses. «Nous faisons partie de plusieurs organisations afin de remonter toute la chaîne de production le plus efficacement possible. Nous avons signé la convention de Kimberley pour le diamant, mais nous souhaitons appliquer les mêmes principes aux autres pierres précieuses.»

Malgré ces exemples, d'autres marques peinent à intégrer des valeurs éthiques dans leur processus de production. Lors des dernières éditions de Baselworld, plusieurs ONG ont régulièrement dénoncé les conditions de travail des polisseurs de pierre, de même que des mineurs. «Il existe certaines conventions, mais il y a encore trop de trafic illégal», rapporte Danièle Gosteli de Amnesty International. L'organisation critique avant tout la passivité et l'attentisme de certaines marques. «Celles-ci ternissent l'image de notre profession, conclut  Veerle van Wauwe, qui a donné plusieurs conférences sur ce thème à Baselworld. Améliorer la traçabilité des pierres et les conditions de mineurs n'est pourtant ni très coûteux, ni très difficile. Cela demande avant tout du courage et de la volonté. Je crois sincèrement que l'industrie du luxe a beaucoup à gagner à intégrer des valeurs éthiques. Il en va de son avenir et de sa crédibilité.»

Geneviève Ruiz

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