Anvers, carrefour mondial du diamant, perd de son éclat avec la crise

 

"L'activité a baissé de 20, 30%": les diamants sont peut-être éternels, mais à entendre Dany Meylemans, patron d'un atelier de taille à Anvers en Belgique, capitale mondiale de cette pierre précieuse, même eux résistent mal à la crise.

Dans son atelier, neuf salariés, la loupe toujours à portée d'oeil, polissent de minuscules facettes sur des pierres d'à peine un centimètre de diamètre. Chacune d'elles demande deux à quatre semaines d'un travail d'extrême précision, auquel les diamants doivent beaucoup de leur valeur.

Depuis l'été 2008, M. Meylemans constate une demande plus faible pour les pierres les plus précieuses. "Pour nous, la crise a commencé avant la chute des Bourses", dit-il.

Sur les quatre premiers mois de 2009, les importations de diamants bruts à Anvers ont plongé de 45% et les exportations de 30%. Pour les pierres taillées, les reculs atteignent 32% et 28%. Un choc pour une ville qui voit passer 80% des diamants bruts négociés dans le monde et 50% des taillés.

Certes les diamantaires, reconnaissables à la mallette sécurisée accrochée à leur ceinture par une chaîne, arpentent toujours les quelques rues du quartier diamantaire, où se sont installés depuis le XVIe siècle ateliers, bureaux de négociants, banques et Bourses spécialisées. Sous l'oeil vigilant des caméras de sécurité.

Mais à la Bourse diamantaire, traditionnel lieu de rendez-vous, les tables sont presque vides. Dans un des grands laboratoires de certification des diamants, beaucoup d'experts brillent aussi par leur absence.

Le secteur a dû demander une garantie de 200 millions d'euros au gouvernement régional flamand.

Mais ce coup de pouce reste minime face aux 42 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel de la place, qui ne connaît "pas d'énorme danger", assure Freddy Hanard, président du Antwerp World Diamond Centre (AWDC), l'organisation représentative de la place diamantaire.

"La crise est là" mais "Anvers résiste très bien", affirme-t-il.

Il reconnaît quand même: "En janvier, il n'y avait plus de marché. A un moment, tout le monde a eu peur. Même peur de vendre, car on n'était pas sûr d'être payé."

Mines arrêtées au Botswana, baisse de production de 91% au premier trimestre chez le géant sud-africain De Beers, aucune vente à Anvers du Russe Alrosa depuis le début d'année: les grands producteurs ont réagi de manière drastique à la chute de la demande.

"Pourquoi déterrer maintenant des diamants qui ont été dans le sol pendant des centaines d'années, quand il n'y a aucune chance de les vendre?" note Philip Claes, porte-parole de l'AWDC.

D'après Freddy Hanard, la crise ne se ressent pourtant "pas partout. Aux Etats-Unis (qui achètent la moitié des pierres vendues dans le monde) et en Europe, oui. Mais pas au Moyen-Orient, en Extrême-Orient".

Néanmoins "c'est plus facile, pour une société belge de taille moyenne, de vendre en France ou en Italie plutôt qu'en Asie", reconnaît-il.

Pour Anvers, confrontée depuis des années à la concurrence de pays meilleur marché comme l'Inde, les ennuis ne datent toutefois pas d'hier.

"C'était la crise pendant la dernière décennie. Beaucoup de diamantaires sont partis dans des pays low-cost", reconnaît un tailleur anversois, qui dit avoir connu "16 patrons en vingt ans".

"17 diamants sur 18 dans le monde sont taillés en Inde", reconnaît Freddy Hanard. "Mais les diamants les plus gros et les plus beaux sont toujours taillés ici, parce que le savoir-faire c'est nous qui l'avons".

Sophie ESTIENNE