Mauboussin démocratise la joaillerie

Elargissement de la gamme de prix, investissement dans l'ouverture de boutiques et la publicité : la recette fait ses preuves aussi place Vendôme. Même en temps de crise.

Des bijoux qui s'affichent à la télévision, dans le métro et qui ne cachent plus leur prix, des « donuts » et du chocolat chaud offerts aux clients de la boutique des Champs-Elysées, à Paris : Alain Némarq n'a pas honte d'avoir sorti Mauboussin du cercle très fermé de la haute joaillerie. L'élargissement de sa clientèle lui permet de faire plutôt bonne figure en ces temps difficiles où les plus grands noms souffrent. Arrivé à la tête de Mauboussin en 2002, il a multiplié par 2,5 les ventes et table pour cette année sur un chiffre d'affaires de 36 millions d'euros et un objectif de 65 millions pour 2012. « La crise n'est pas seulement un problème de raréfaction des ressources, elle est aussi révélatrice d'un changement d'attitude vis-à-vis du luxe. Le côté trophée, éléments de statut social lié à l'argent, s'estompe au profit de l'émotion, de la création et de la qualité intrinsèque des produits », explique l'ancien prof d'HEC, qui cible avant tout les femmes. « Ce sont elles les principales acheteuses du luxe, elles ne jouent plus seulement un rôle de prescriptrices. Or les femmes sont plus sensibles à la dimension émotionnelle et créative que les hommes », constate-t-il. Avant Mauboussin, il avait fait carrière dans la mode, chez Saint Laurent et Kenzo homme, puis aux commandes de Tehen, petite marque de vêtements féminins.

Accessibilité

Il y a sept ans, ses collègues de la place Vendôme ne donnaient pas cher de ses chances de redresser la maison, victime de dissensions familiales et des caprices de son premier client, le sultan de Brunei. La défection du prince avait contraint les frères Mauboussin à céder la main à Dominique Frémont, homme d'affaires helvètique ayant fait fortune dans les laboratoires photo. Alain Némarq décide alors de repositionner la société sur le segment de l'accessibilité. « Les marques ne réalisent que 6 % des ventes mondiales de joaillerie, le potentiel de croissance est immense si vous élargissez le jeu au-delà de la haute joaillerie », dit-il. Démarche qui avait déjà été celle d'un Cartier avec ses Must des années 1980 ou de Tiffany's et ses bijoux en argent. Chance of Love, la bague en forme de trèfle à quatre feuilles qui démarre à 0,20 carat de diamant pour moins de 1.000 euros est ainsi devenue le best-seller de Mauboussin avec 40.000 pièces vendues depuis 2005 ou Gueule d'amour de la Saint-Valentin 2009 dont 200 exemplaires sont partis en quinze jours. La maison n'hésite pas non plus à revisiter son patrimoine. Ainsi la nouvelle bague Tu es mon soleil, dont la pierre centrale est un diamant jonquille (rien de moins), comporte un large anneau incrusté de nacre comme celui de la Nadia best-seller des années 1990.

Communication et distribution

Alain Némarq explique qu'il fait tomber les barrières entre joaillerie et haute joaillerie. Démonstration avec la ligne Couleurs baisers : des bagues comprises entre 1.900 et 2.600 euros et dont les pierres fines ont droit aux mêmes égards que les diamants de la plus belle eau avec taille émeraude et baguettes ton sur ton. « Chez nous, le même modèle peut varier entre 2.000 euros et 2 millions, selon que vous demandez une aigue marine ou un saphir de Birmanie. C'est le client qui décide », dit-il, en soulignant que le segment des bijoux à plus de 25.000 euros représente toujours 35 % de l'activité de la maison, « ni plus ni moins qu'avant ».

Si Mauboussin consacre moins d'argent que ses voisins de la place Vendôme à l'achat de pierres d'exception, son repositionnement stratégique l'a conduit à concentrer ses investissements sur deux postes : communication et distribution, indispensables pour accroître la notoriété de la marque, notamment à l'international. Alain Némarq consacre ainsi 16 % de son chiffre d'affaires à la publicité dans les médias grand public. Distribuée dans des « shop in shop » au Printemps et aux Galeries Lafayette, la marque dispose déjà de quatre boutiques en propre (Vendôme, Champs-Elysées, New York et Tokyo). Suivront Singapour et Séoul (avec un partenaire), puis Hong Kong et Macao.

V. L.
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